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Histoire, Politique, Société
Samori


Yves Person
Samori. Une révolution dyula

Mémoires de l'Institut Fondamental d'Afrique Noire. N° 80
Dakar. 1968, 1970, 1975. Trois Tomes. 2377 pages


Tome I
Première Partie

INTRODUCTION

La partie méridionale des savanes soudanaises, tout au long de la grande forêt ouest africaine, a peu retenu l'attention des chercheurs. Ceux-ci, à l'exemple des colonisateurs, ont négligé ces terres de transition, au profit de l'axe historique du Niger, ou bien de ces pays du Sud qui ont été bouleversés depuis le début du siècle par une profonde révolution économique et sociale. La région que nous allons étudier a connu un destin bien différent.

Du Haut Niger à la Volta elle a traversé l'ère coloniale dans un isolement relatif et elle paraît actuellement enfoncée dans la routine et la tradition.

Et pourtant, à la veille de l'intrusion européenne, ces savanes méridionales ne jouaient pas un rôle passif puisqu'elles ont servi de théâtre à l'aventure de Samori qui a secoué profondément les sociétés anciennes et détourné un instant le cours de la conquête coloniale. Ce grand mouvement, à vrai dire, n'était pas chez lui dans toute cette zone. Sa naissance et sa croissance l'ont identifié étroitement aux pays situés à l'ouest du Sassandra, c'est-à-dire à une région fortement personnalisée. Les immenses plateaux uniformes des savanes sont bordés ici, sur toute leur frange méridionale, par les hauts reliefs de la Dorsale guinéenne, si bien que la forêt est une formation de montagne qui revêt souvent des sites d'une surprenante beauté. L'altitude la rend moins écrasante pour l'homme et, en dépit d'un modelé tourmenté, elle est finalement moins fermée aux influences du Nord que celle des basses terres de Côte d'Ivoire.

Etats de Samori
Carte de l'Empire de Samori

Mais l'originalité de cette contrée est surtout d'ordre humain. E laissant vers l'est les vieux peuples de paysans voltaïques, comme les Sénufo ou les Kuranko, nous nous trouvons en présence d'hommes qui appartiennent tous à la famille malinké. Tout près d'eux, au-delà des lilisières de la Forêt, d'autres peuples, comme les Toma, les Kpèllè ou les Dã parlent aussi des langues mãndé et vivent pourtant dans un autre monde. Les limites de la Forêt géographique ne sont pas toujours faciles à tracer mais un fossé culturel parfaitement net isole des savanes la Foret humaine. Ces Mandé du Sud évoquent d'anciennes pulsations de l'épicentre du Haut Niger. Les synthèses originales qu'ils ont réalisées dénotent une adaptation millénaire à leur milieu actuel car, en dépit de certains métissages, sur les franges des Toma, ils sont restés étrangers à la dernière onde, celle des Malinké, qui s'est identifiée aux horizons du Nord. L'histoire que nous contons ne leur est pas indifférente, mais ils n'y ont joué qu'un rôle passif et somme toute marginal.

Bien qu'elle naisse à l'orée des grandes sylves, l'aventure de Samori est celle d'un homme des savanes ensoleillées et des vastes horizons. Les questions essentielles qu'elle pose sont relatives aux Manding et c'est chez eux que nous en trouverons peut-être la réponse.

Il parait d'abord surprenant qu'un Empire puissant se soit formé à la fin du XXme siècle parmi les fractions les plus méridionales de l'ethnie malinké. C'était en effet un phénomène sans précédent. Les empires médiévaux du Mali ont attiré les efforts des chercheurs, encore que peu de travaux originaux soient à signaler depuis une quarantaine d'années. La dernière synthèse est celle de Monteil, et elle a vieilli en dépit de sa très grande valeur. Il est d'ailleurs remarquable que tous les auteurs arrêtent cette histoire au XVme siècle, comme si elle était désormais dénuée d'intérêt. Les Bambara prennent alors le relais, sur le plan de l'histoire, grâce aux Etats de Ségou et du Kaarta, mais aussi sur celui de l'ethnographie pure car leurs institutions animistes fortement structurées éclipsent celles de leurs frères malinké. Les frontières coloniales y furent sans doute pour quelque chose en partageant ceux-ci entre le Mali (Soudan), la Guinée et la Côte d'Ivoire. Dans chacun de ces pays, malgré leur activité et leur influence commerciale, nos gens se sont trouvés dans la position de minorités marginales, ce qui les a fait négliger.
En écrivant son « Islam en Guinée » (1921) Marty en a froidement rayé Kankan et toute la vie complexe des musulmans dyula.

[Défaillance nous paraît significative]

Cette défaillance nous paraît significative. Depuis le XVme siècle les Malinke ne font plus l'histoire, ils la subissent. Ils perdent le sens de l'empire, sinon celui de l'Etat pour se replier dans le cadre exigu des kafu. En dépit de quelques aventures éphémères, d'ailleurs limitées dans l'espace, leur vie politique se morcelle à l'extrême. Cette période n'est connue par aucun document écrit, en dehors de quelques allusions de voyageurs (Mungo Park) et de rares tariki en arabe, médiocres et tardifs. Il faut alors recourir aux traditions orales, qui permettent effectivement de remonter régulièrement au XVme et dans une certaine mesure jusqu'au XVme siècle. Il paraît donc possible de jeter un pont entre notre époque et le grand Empire médiéval, mais personne ne s'y est sérieusement attaché 1. Nous pensons qu'il faut y voir l'effet d'un dégoût naturel de l'esprit pour les évolutions de type régressif.
De tels processus sont pourtant fréquents en Afrique et si leur étude n'est pas aussi exaltante que celle d'une croissance harmonieuse ou d'un épanouissement, elle devrait être tout aussi utile. Ce désir de ne s'attacher qu'aux triomphes découle d'un vertige de finalité dont l'histoire européenne nous offre de fâcheux exemples, mais qui est parfaitement étranger à l'objectivité de la recherche. Rouch, voici à peine dix ans, nous a révélé les siècles obscurs qui ont suivi la chute du Sõñay. Il n'est pas vain de savoir pourquoi et comment une grande construction impériale a disparu avec le vernis d'Islam qu'elle supportait. N'était-ce vraiment qu'une superstructure et sa chute illustre-t-elle la stérilité cyclique de l'histoire africaine ? Les kafu, ces petites cellules politiques qui ont pris sa place sont-elles des particules élémentaires, éternelles et indivisibles comme un atome de Démocrite ?
Ont-elles simplement repris, le cours monotone d'une histoire sans perspective que l'Empire avait un instant rompu ? Ne sont-elles pas plutôt une réalité nouvelle, le fruit même de cet Empire, et la matière possible de nouvelles aventures ? Nous tenterons de répondre à ces questions dans un autre travail. Il suffit de souligner ici que l'Empire de Samori est né chezdes Malinké qui avaient renoncé depuis plus de trois siècles à toute organisation politique centralisée.

Disons plus, il est né chez les Malinké du Sud, qui paraissent n'avoir jamais connu de telles structures dans leur terroir actuel. Ces gens ne se sont stabilisés qu'aux XVme et XVIIme siècles, à une époque où le vieil Empire n'était déjà qu'un souvenir, et les hégémonies militaires que nous discernons vaguement au temps des migrations se sont rapidement dissipées. Après bien des métissages, l'enracinement a été partout profond, dans le cadre des kafu exigus, animés d'un esprit de parochialisme extrême. Mais le kafu lui-même est fils de la civilisation soudanaise, qu'il a portée ici jusqu'aux lisières de la Forêt. Il est très différent des chefferies toma ou guerze et encore plus des sociétés sans Etat, ou « anarchies », chez qui tout est régi par une trame serrée de lignages croisant une chaîne de liens religieux. Nous verrons que le kafu, malgré sa petitesse et son organisation sommaire, mérite pleinement le nom d'Etat. Il garde un reflet lointain de l'Empire médiéval dont les traditions lui sont d'ailleurs tout à fait familières.

Il faut pourtant admettre qu'après leur stabilisation, deux siècles au moins avant Samori, les kafu du Sud n'ont montré qu'un dynamisme négligeable. Quelques hégémonies éphémères, quelques agressions contre leurs voisins forestiers, tranchent à peine sur une grisaille générale. Il nous faudra donc expliquer pourquoi cette matière inerte est entrée soudain en effervescence puis, après avoir travaillé sur elle-même, a lancé des secousses de plus en plus larges que seule l'intervention française est parvenue à bloquer.

La solution de ce problème n'est peut-être pas sans intérêt théorique, car il s'agit d'un bel exemple, pris sur le vif, de la naissance d'un Empire par mutation du substrat. Les hégémonies peules et toucouleures du XIXme siècle se sont substituées à des structures préexistantes, comme les royaumes hausa. Le Fuuta-Dyalo, au XVIIIme siècle, a supplanté une société dyalonké morcelée mais la race conquérante portait des traditions soudanaises. On peut en dire autant du Gondja et de l'empire de Kong (XVIme et XVIIIme siècles). Si nous excluons les pays du Golfe de Guinée, seuls les royaumes bambara paraissent nés d'une évolution locale, mais sur le territoire de l'Empire du Mali, dont le souvenir était encore vif de leur temps. Dans ces différents cas, la brume des traditions nous gêne déjà pour comprendre ce qui s'est passé. Elle devient opaque si nous remontons encore plus haut ce qui est pourtant nécessaire si nous voulons trouver d'autres formations politiques qui ne soient pas issues d'une conquête pure et simple.

L'un des problèmes essentiels de l'histoire africaine est justement celui de la naissance et la diffusion de l'idée d'Etat 2. La « royauté sacrée » que certains avaient cru définie paraît de moins en moins une réalité homogène et générale. A défaut, il n'est pas nécessaire que toutes les monarchies africaines de ce type soient issues par diffusion d'une source unique. Il n'en est pas moins vrai que des institutions aussi complexes ne peuvent naître spontanément en un grand nombre de points. L'étude des cultures matérielles nous le confirme car elle indique certains seuils, en-deçà desquels rien n'est possible. La notion de surplus explique fort bien qu'on ne puisse concevoir une monarchie chez des chasseurs archaïques comme les Boshimans. Mais la condition nécessaire n'est nullement suffisante. Les Kabré libres et « anarchiques » sont meilleurs agriculteurs que leurs frères les Kotokoli, mais ceux-ci supportent le poids d'une « féodalité » militaire.

Il est donc raisonnable de suivre pas à pas, dans chaque région, les diffusions certaines ou probables, et de localiser en conséquence quelques berceaux. Il est vrai que le Soudan a une histoire extrêmement ancienne et il n'est guère discutable que ses foyers primordiaux furent dans l'ouest le Ghana, bientôt relayé par le Mali et dans le centre le Kanem. S'il n'est pas question actuellement de remonter plus haut, il importe d'établir par quelles voies se sont faits les emprunts, et pourquoi la diffusion a touché certains peuples et non d'autres. Il parait certain que le facteur essentiel a été le réseau grandissant du commerce à longue distance, celui de l'or et du sel dès l'origine et, plus tard, celui des esclaves et de la kola en attendant celui des tissus.

Le phénomène samorien n'a évidemment rien d'accidentel et notre héros avait eu des prédécesseurs qui lui servirent de maîtres et d'inspirateurs. Ces hommes seraient sans doute mieux connus si la carrière foudroyante du nouveau venu ne les avait pas entièrement éclipsés et ils attestent que la société malinké était entrée en fermentation dans le second quart du XIXme siècle. Il sera donc nécessaire d'examiner dans quelle mesure cette agitation n'est pas le reflet de la révolution religieuse qui secouait les savanes du Nord depuis le début du siècle.

Samori nous fournit alors un point de comparaison utile, puisqu'il nous montre la naissance d'un Empire chez un peuple qui avait perdu la pratique de la centralisation depuis des siècles. Nous n'oublierons pas, bien entendu, que la société d'où sortit cette révolution était profondément différente du substrat des anciens Empires qui se formèrent un millénaire plus tôt. Certaines traditions politiques du Mali restaient cependant vivantes dans le kafu animiste qui entretenait un Islam minoritaire et spécialisé, parfaitement intégré à sa structure. Le commerce que nous aurons à considérer n'était plus guère orienté vers le nord mais vers les comptoirs européens de la Côte et il nous faudra chercher si son expansion n'est pas le facteur décisif qui a ébranlé une société politique figée.

La place de cette révolution dans son milieu africain est essentielle à notre propos. Elle permet d'en fixer le sens et la portée avant de la confronter à l'irruption française qui va briser la courbe de son destin. L'interminable conflit qui a opposé notre héros aux colonisateurs est d'une importance capitale, mais il n'a rien à voir avec la genèse de l'Empire. Beaucoup d'ailleurs en ont pourtant été troublés, non seulement des historiens coloniaux, mais aussi de jeunes nationalistes africains. Il faut évidemment se garder d'une histoire rétroactive et marquer clairement que Samori n'est pas entré en scène pour affronter la menace coloniale. Nous serons d'autant plus à l'aise pour étudier la façon dont celle-ci a contraint l'Empire déjà construit à des mutations si profondes qu'il en perdit sa raison d'être.

Aucun de ces problèmes n'a été abordé par les auteurs qui ont parlé de Samori depuis trois quarts de siècle mais il faut avouer que peu d'entre eux ont accordé une attention spéciale à notre personnage. La plupart ne s'intéressaient qu'à l'histoire de la conquête, j'allais dire à son hagiographie, et l'Almami les a retenus seulement comme un cas de résistance particulièrement obstinée, qui leur donnait l'occasion d'écrire quelques pages à la gloire de l'armée coloniale.

Ce biais est excusable chez les premiers auteurs, qui étaient eux-mêmes témoins ou acteurs. Les ouvrages publiés avant le début du siècle sont en effet des relations de voyages, des rapports de missions ou de campagne, exceptionnellement des travaux de journalistes spécialisés comme A. Mévil. Leur nombre est finalement assez restreint à côté de ceux qui ont glorifié l'épopée romantique de Brazza, la brillante campagne du Dahomey ou la marche au Tchad. L'interminable résistance de Samori parait avoir vite lassé l'imagination. La plupart ne traitent qu'incidemment de notre héros, ou ne s'occupent que du déroulement des opérations militaires.

Parmi les récits de mission, Peroz et Binger occupent cependant une place à part. Les multiples ouvrages du premier, y compris sa contribution aux « Campagnes » de Galliéni, témoignent de la familiarité de l'auteur avec le milieu malinké et la cour de Samori. Nous y trouvons le premier tableau sérieux de l'Empire ennemi mais il est fâcheux que cet officier, qui ne manquait pas d'intuition ni de sympathie pour ses partenaires, ait été un médiocre observateur qui n'a pas su discipliner son imagination. Les qualités et défauts de Binger sont tout autres. Le grand explorateur nous donne un tableau de l Empire brossé avec une minutie et une habileté remarquables mais il n'a fait que l'entrevoir et il n'a pas essayé de surmonter les préjugés que lui avaient insufflés ses camarades du Soudan. Son témoignage est donc capital mais nullement objectif. On peut négliger en revanche les souvenirs de Baratier qui n'intéressent que les dernières années de cette histoire et dont l'intérêt est surtout anecdotique.

Quelques rapports militaires ont été publiés et deux d'entre eux, ceux d'Humbert (1892) et de Lartigue (1898) présentent un intérêt exceptionnel. Le premier brosse de l'adversaire un tableau aussi complet que possible et ne se limite nullement aux opérations de la colonne. L'autre fait l'inventaire de sa chute.

De nombreux articles, échos ou études se trouvent dans les périodiques du temps particulièrement « La Politique Coloniale » et le « Bulletin du Comité de l'Afrique Française ». Ils permettent de suivre l'évolution de l'opinion métropolitaine. Un collaborateur du second, André Mevil, a tiré de ces matériaux, dès 1899, une synthèse de la carrière de Samori, dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle était prématurée.

Tous ces matériaux restent maigres et ne donnent évidemment que le son de cloche français. Et pourtant. pendant plus d'un demi-siècle, presque rien n'est venu les grossir 3. Gatelet étudia des rapports inédits pour écrire son histoire de la conquête du Soudan, publiée dès 1901, mais il les a utilisés sans précaution et, par vocation, ne pouvait s'intéresser qu'aux opérations militaires. Pour les traditions orales, on n'a guère dépassé les données confuses de Péroz et Binger. Il est vrai que Delafosse a publié dès 1901 l'histoire de Samori, d'Amadou Kouroubari, mais l'intérêt de celle-ci est limité à l'invasion du Djimini et de texte dyula, sans traduction, n'a généralement pas été utilisé 4. Les courts articles de Dominique Traoré (1934 et 1936) mêlent des éléments isolés séparés de leur contexte et il a fallu attendre 1963 pour rencontrer des traditions sérieuses, mais un peu courtes, sous la plume de Fofana Kalil 5.

Tous ces écrivains n'ayant d'autre dessein que de populariser quelques pages d'épopée coloniale et n'attachant pas un intérêt particulier à la révolution samorienne, on comprend qu'ils n'aient pas songé à des recherches longues et ingrates.

La médiocrité de ces données excuse peut-être la démission des historiens, qui est un fait indiscutable. Samori n'a fait l'objet d'aucun travail sérieux car les spécialistes de la conquête l'ont seulement effleuré dans le cadre d'ouvrages plus généraux (Histoire militaire de l'AOF, 1931, Méniaud 1931 et 1935, Général Duboc 1939). Il est inquiétant de constater qu'ils n'ont jamais eu recours à des sources originales, même pour l'histoire militaire au sens le plus strict 6. On découvre avec étonnement que la fameuse campagne de Combes en 1893 n'est pas étudiée sérieusement, les seules données disponibles étant quelques pages, du B.C.A.F. mal utilisées par Gatelet. Les opérations contre Samori sont toujours traitées en parentes pauvres et il est remarquable que, depuis 1901, chaque auteur se soit contenté de copier ses prédécesseurs en coulant ces emprunts dans une forme nouvelle, de niveau littéraire plus ou moins honorable. Le Général Duboc a bien publié en 1947, « Samory le sanglant » mais on n'y trouve peu d'éléments qui n'aient figuré dans son volume de 1939. Le Général Ingold, lui, a seulement ajouté, en 1961, l'agrément d'un style élégant. Les meilleurs exposés restent donc ceux de Delafosse, en 1912 et 1931. Mais ils sont plus brillants que solides malgré le talent de l'auteur et sa qualité de témoin direct.

Labouret est la seule exception. Il a combiné tous les documents disponibles avec des traditions recueillies personnellement en pays lobi, pour reconstituer l'action des Samoriens sur la Volta (B.C.A.F., 1921). Ce travail marque un progrès considérable mais il ne concerne qu'une région restreinte et il est à présent vieilli. Il est d'ailleurs parfaitement isolé.

C'est seulement dans ces dernières années que Jean Suret-Canale a eu le mérite d'ouvrir un voie nouvelle. Il est vrai qu'il n'a pas étudié Samori pour lui-même, mais dans un vaste tableau du passé de l'Afrique Occidentale. On doit le féliciter d'avoir situé Samori dans son contexte africain plutôt que dans celui de la conquête coloniale, mais nous aurons à lui reprocher plusieurs erreurs de faits et à discuter certaines interprétations qui en découlent. Disons à sa décharge qu'elles tiennent à ses sources, car ce sont en grande partie celles de ses prédécesseurs, mais il a sur eux l'avantage de ne pas les avoir copiées mécaniquement.

Pendant que l'histoire marquait le pas, l'ethnographie grandissante contournait soigneusement notre région. Le Fuuta-Dyalõ et les Bambara vers le Nord, faisaient l'objet de nombreuses études tandis que, dans l'Est, les Sénufo étaient abordés. Les peuples du Sud, des Kisi aux Baulé, sont très inégalement connus, mais on ne les ignore pas complètement. Rien, par contre, sinon de très rares articles, n'a été publié sur les Malinké du Haut Niger et de la Haute Côte d'Ivoire. Leurs particularités culturelles nous restent aussi étrangères que leurs traditions dans la mesure où elles ne s'identifient pas à celles des Bambara.

Pour sortir de cette impasse il était nécessaire de rechercher des sources nouvelles et on pouvait espérer en trouver sur le terrain des traditions orales et sur celui des archives.

Les hasards de la vie ont amené l'auteur de ces lignes à séjourner plusieurs années dans l'ancien Empire de Samori et il a pu en visiter une grande partie. Il avoue en parler sans détachement, car il s'est senti à l'aise dans ces savanes méridionales qu'il a trouvées à la mesure de l'homme. Il a aimé leur lumière qui défie le poids écrasant de la sylve voisine, tandis qu'elles échappent à la monotonie immense des horizons soudanais grâce aux lambeaux forestiers qui revêtent un relief souvent tourmenté. Les hommes sont solidaires du paysage qu'ils ont modelé. Malgré des circonstances politiques souvent difficiles, il a souvent rencontré la sympathie, rarement la méfiance, jamais l'hostilité.

L'idée de ce travail s'est imposée peu à peu en découvrant la richesse et la variété des traditions orales qui s'offraient et n'avaient jamais fait l'objet d'une récolte sérieuse. Notre enquête a été menée de façon intensive dans, quelques centres privilégiés, mais en s'efforçant de l'étendre au plus grand espace possible selon des méthodes nécessairement extensives. Nous avons pu ainsi confronter de multiples points de vue et assuré de nombreux recoupements Les adversaires et voisins de Samori ont été consultés aussi souvent que possible.

Les données les plus abondantes proviennent cependant d'une quinzaine de personnes, presque toutes issues de dignitaires, de familiers ou d'alliés de l'Almami. Dans un certain nombre de cas, nous avons pu recueillir directement des témoignages de survivants mais ils portent presque exclusivement sur les dix dernières années, qui ne sont pas caractéristiques de l'aventure samorienne. Certains de ces témoins ont été extrêmement précieux comme Ladyi Mamadu Sulèmani Dèm, alors retiré à Korhogo, et qui est mort depuis comme la plupart de ses compagnons. Si notre enquête s'est déroulée dans les dernières années où des témoignages directs restaient possible, elle a surtout profité de la solidité et de l'abondance des traditions orales 7. Le cadre du kafu ne leur est pourtant pas favorable malgré le sens généalogique qui oppose nettement les Malinké aux Bambara. Les derniers siècles ont été assez ternes dans cette région et l'attention des griots est accaparée par la légende glorieuse du Mali médiéval.

L'aventure de Samori est, il est vrai, privilégiée, car elle est fort récente, ce qui raccourcit singulièrement les chaînes de transmission. Celles-ci ont rarement plus de trois maillons. puisqu'il n'y a guère plus d'un siècle que ce jeune guerrier en rupture de ban décida de travailler à son compte. Les matériaux ne sont donc guère appauvris ni déformés

Il s'agit en outre d'une époque qui a frappé toutes les imaginations, en raison de l'ampleur sans précédent des bouleversements qu'elle a connus, et du fait que l'ère coloniale l'a fermée brutalement. L'empire de Samori a dès lors incarné l'ancienne Afrique pour le meilleur et pour le pire. Il a nourri des nostalgies diverses et inspiré des légendes, qu'elles fussent noires ou dorées. Dans les pays qu'il a ébranlés, son souvenir a mobilisé toutes les ressources de l'imagination et les techniques du souvenir. Les riches traditions qui se cristallisent autour de lui ont souvent marqué et appauvri l'héritage des époques plus anciennes. En bien des lieux, la vive lumière qui éclaire Samori a repoussé tout ce qui précède dans une pénombre mythique.

En sens inverse, ce bouleversement révolutionnaire a affaibli les procédés traditionnels de transmission et son élimination du fait des Français l'a empêché d'en adopter de nouveaux. Les traditions relatives à Samori se présentent donc très rarement sous une forme littéraire figée et elles ne constituent pas un corpus homogène. Il faut les chercher de tous côtés et les rassembler.

Cette dispersion ne va pas sans inconvénient. Nous pensons avoir recueilli une grande partie des traditions existantes mais naturellement pas la totalité. Il est probable que des vieillards n'ont pas tout dit, et quelquefois par notre faute, car nous n'avons pas toujours disposé du temps nécessaire pour gagner leur confiance. Il est certain que de nombreux informateurs nous ont échappé, soit que leur existence n'ait pas été signalée, soit que nous n'ayons pas eu la possibilité matérielle de les visiter. C'est évidemment le cas dans les régions de Sierra Leone ou du Ghana où nous n'avons pu nous rendre. Nous avons cependant la conviction que ces lacunes n'ont qu'une portée minime, encore qu'elles soient nombreuses. Les informations négligées concernent presque exclusivement les activités locales des Samoriens, dans des régions excentriques. Le centre de l'Empire où se sont retirés les héritiers des principaux acteurs a été visité avec le plus grand soin.

En raison de l'immense étendue du territoire, et de la diversité des groupes sociaux mis en cause, l'enquête devait nécessairement se limiter, d'autant plus que nous l'avons menée seul. Quand nous avons dû l'arrêter et en dresser le bilan, nous avons constaté que la richesse et l'abondance des matériaux recueillis permettaient des recoupements d'autant plus utiles qu'il était possible de les étayer par une quantité considérable de documents écrits.

La culture islamique de la cour de Samori était assez médiocre et aucune chronique ne fut tentée dans son entourage. L'Almami ne parait pas en avoir eu l'idée, et il semble même qu'il ne voulait pas figer son passé dans une version officielle. Il l'invoquait sentencieusement à toute occasion, mais en s'attachant à lui donner l'éclairage qui répondait aux besoins du moment. Ses compagnons auraient peut-être écrit sur lui après sa mort mais leur dispersion, due à une victoire totale des Français, les en a empêchés. Il semble donc qu'il n'existe aucune grande source écrite d'origine samorienne 8. Divers tariki locaux nous fournissent quelques renseignements mais il sont toujours moins riches que la tradition orale et leur ancienneté n'est pas telle qu'ils permettent de les contrôler. Le plus important de ces manuscrits concerne le Nord du Ghana, mais il ne nous a pas été possible d'en avoir connaissance.

Les archives de Samori nous seraient précieuses si elles avaient été conservées. Nous savons que son secrétariat gardait les lettres qu'il acceptait, mais ne prenait pas copie de celles qu'il envoyait 9. Les premières ont dû disparaître durant la déroute de 1898 car on n'en trouve pas trace dans les inventaires de Gouraud. Parmi les autres, un sort analogue parait avoir frappé celles que reçurent divers souverains africains 10. Seules ont donc survécu celles qui étaient adressées aux autorités européennes et on peut les consulter à Paris, Londres, Dakar, Freetown ou Accra.
Cette pauvreté des textes autochtones contraste fortement avec la richesse des archives européennes où d'innombrables documents dorment depuis plus d'un demi-siècle. Nous pensons avoir réuni tous les éléments disponibles dans les fonds publics. Notre seule lacune concerne les archives allemandes (Postdam) qui contiennent peut-être quelques pièces relatives aux relations de Samori avec le Togo. On trouvera aux sources un inventaire détaillé de ces fonds qui sont malheureusement assez dispersés. Les plus importants pour notre travail ont été ceux de Dakar et de Londres (PRO), suivis par Paris (AOM, Affaires Etrangères et Vincennes) Freetown et Konakry. Accra a peu donné qui ne fut déjà à Londres, et Abidjan s'est avéré décevant. Le déroulement des relations de Samori avec les diverses puissances européennes, est ainsi couvert dans sa totalité tandis que de nombreux sondages nous éclairent sur la vie intérieure de l'Empire. Les recoupements avec la tradition orale sont extrêmement nombreux, si bien que la chronologie ne présente aucune incertitude à partir de 1818. Les lacunes sont rares, et jamais totales. La plus notable est l'absence du rapport de Marchand sur sa résidence à Sikasso, mais d'autres documents éclairent cet épisode

Il est certain que divers fonds privés recèlent encore des documents qui nous sont restés inaccessibles 11. Nous le déplorons sans penser qu'ils puissent modifier l'équilibre de ce tableau.

La confrontation systématique des sources écrites avec les traditions orales s'est avéré extrêmement fructueuse. Elle donne une grande solidité aux vingt dernières années de cette histoire. L'écrit a confirmé sa supériorité sur le plan événementiel, ce qui n'est pas surprenant, mais il laisse dans l'ombre de vastes régions pour lesquelles nous sommes bien heureux de retrouver la tradition. Celle-ci s'avère d'ailleurs irremplaçable si l'on veut éclairer le point de vue africain. En y renonçant on tomberait dans les péchés que nous venons de dénoncer sans avoir les excuses de l'historiographie coloniale. Celle-ci méprisait naturellement les motivations d'un adversaire qu'elle figeait dans un cliché de barbarie féroce. Face à l'harmonie de la construction impériale, il lui importait peu que son portrait de l'ennemi fût déséquilibré et incohérent, plein d'insolubles contradictions. L'ambition de notre travail a été justement de mettre de l'ordre dans ce chaos, de façon que toutes les pièces puissent s'ajuster d'elles-mêmes.

Nous l'avons organisé en cinq parties d'importance très inégale.

  1. La première étudie les conditions géographiques et humaines qui ont donné un cadre à la révolution samorienne, si elles ne l'ont pas déterminée. Notre souci primordial est de situer le conquérant par rapport à l'Afrique, et de montrer pourquoi son entreprise n'avait rien d'accidentel. Nous attachons donc la plus grande importance à ces pages mais elles sont relativement courtes car nous n'avons voulu faire ni de la géographie ni de l'ethnographie, seulement montrer les rapports de notre héros avec son milieu.
  2. La seconde décrit la montée de la Révolution et sa transformation en Empire, jusqu'à la crise de Sikasso. Nous nous sommes efforcés d'établir l'enchaînement logique des événements, qui donnent parfois l'impression d'une véritable fatalité.
  3. La troisième partie étudie les institutions créées par l'Empire et la société nouvelle qu'il a tentée d'organiser. Nous avons voulu montrer comment l'impact français l'a empêchée de se cristalliser et l'a vidée de son contenu.
  4. La quatrième reprend le récit au lendemain de la crise de Sikasso, et décrit le conflit inexorable imposé par la France, jusqu'à la destruction de l'Ancien Empire.
  5. La cinquième enfin décrit le Nouvel Empire qui s'est installé dans les terres de l'Est sans parvenir à sortir du provisoire et qui va s'effondrer d'un seul coup en 1898
Nous verrons pour conclure s'il nous a été possible de répondre aux questions que nous venons de poser.

Certains jugeront sans doute que nous avons trop sacrifié à l'événement et que bon nombre de détails auraient pu être omis. Ils nous reprocheront aussi d'avoir trop concédé à l'histoire militaire.

Ces défauts étaient inévitables, du fait même de notre sujet. Le grand mouvement politique et social que nous voulons décrire s'est imposé essentiellement par des moyens guerriers et la lutte obstinée qu'il a menée contre le colonisateur a renforcé à l'extrême son caractère militaire. L'ampleur sans précédent de l'entreprise montre bien qu'elle est l'effet d'une crise profonde, mais les modalités et les rythmes du changement ont été déterminés par l'issue des combats. Il n'est que juste de donner la première place à ceux-ci.

Peut-être devons-nous confesser en outre une conception un peu traditionaliste de l'histoire . Nous pensons que celle-ci n'est pas une simple collection d'événements, mais comment décrire une structure sans connaitre les termes en présence ? Il est facile de mépriser l'événement quand celui-ci est parfaitement établi et généralement connu, ce qui est souvent le cas en Europe, et depuis longtemps Nous en sommes bien loin en Afrique, où tout reste à faire. L'à-peu-près et l'incertitude y règnent dans tous les domaines, et permettent à chacun les généralisations les plus arbitraires. Cela est vrai de l'histoire précoloniale, longtemps livrée aux amateurs, mais non pas d'elle seule. La conquête européenne, souvent, n'est guère mieux connue. Pour justifier son agression contre Samori, en 1891, Archinard a évoqué complaisamment l'exécution du transfuge Sambatigi comme gage de sa bonne foi. L'historiographie coloniale a fait chorus tandis que Suret-Canale a dénoncé là une provocation. Personne ne s'est avisé qu'il n'y avait dans ce cas qu'une mauvaise excuse car l'affaire s était produite deux ans plus tôt, au début de l889.

Dans l'état présent de l'histoire d'Afrique, il faut donc commencer par établir minutieusement les faits et leurs liaisons. Sans cette base solide, aucun progrès ne sera possible. Dans la mesure où cette tâche a besoin des traditions orales, elle est d'une urgence extrême, puisque ces sources s'évanouissent très vite, avec les sociétés dont elles sont l'expression. Nous en avons recueilli une grande quantité, ce qui nous a donné le sentiment d'une responsabilité, car la disparition rapide de nos informateurs ne permettrait pas de refaire ce travail. Nous les avons donc utilisées aussi largement que possible 12.

Nous nous sommes attachés à exposer le déroulement des événements avec toute la précision possible, en écourtant seulement le récit des opérations militaires, quand elles avaient déjà été décrites de façon acceptable. Notre travail portant sur un pays d'étendue considérable, nous avons voulu en souligner constamment la diversité, pour éviter les généralisations illusoires. C'est ainsi que certaines options fondamentales sous-tendent la politique de Samori envers les peuples de la Forêt mais ses agents n'ont pas agi de la même façon chez les Kissi, les Toma ou les Dã, si bien qu'il convient d'étudier ceux-ci tour à tour.

Nous sommes cependant persuadés que l'événement n'est pas une fin en soi. Une fois solidement établi, il doit nous guider vers les équilibres et les lentes évolutions qui régissent la vie des peuples, mais nous ne croyons pas qu'il doive pour autant s'effacer. L'utilisation de la comparaison ethnographique, confrontée si possible avec des données archéologiques, s'annonce pleine de promesses. Vansina vient d'en esquisser la doctrine 13. Il suggère qu'il est possible de reconstruire sur plusieurs siècles le passé des peuples d'Afrique en dehors de tout texte ou tradition orale, grâce à l'analyse minutieuse des réalités actuelles. On connaîtra alors l'évolution de leur culture matérielle, de leur économie, de leurs structures sociales, de leurs croyances, sans une date, ni un nom. Une histoire absolument dégagée de l'événement. En admettant que ces reconstitutions soient solides, on peut se demander s'il s'agit encore d'histoire. Ces travaux évoquent ceux que Leroi-Gourhan mène avec un talent et une science admirables sur le paléolithique supérieur.

Et certainement, si l'histoire est avant tout la prise de conscience de son passé par l'humanité, on ne saurait lui opposer la préhistoire, qui ne répond pas à une autre inquiétude, mais il faut pourtant reconnaître qu'elle s'accomplit selon d'autres techniques. Nous pensons que l'ethno-histoire, dans ces perspectives, n'est histoire, au sens le plus strict, que si elle met en jeu des textes ou, du moins, des traditions. De même que l'archéologie entièrement dépourvue de textes, devient pré ou protohistorique. C'est d'ailleurs la conviction de Vansina lui-même, qui se veut avant tout historien, et est sans doute le meilleur spécialiste actuel des traditions orales. Est-ce une revanche de l'événement ?

Il est vrai que l'histoire économique et sociale se veut aujourd'hui quantitative, ou, si l'on préfère, sérielle. Il faut avouer que sur ce plan, l'Afrique précoloniale ne nous offre rien. La tradition orale est par définition, qualitative et profondément engagée : elle manque totalement d'objectivité. Si on y trouve des chiffres, ils sont presque toujours symboliques. Une archéologie minutieuse pourra y remédier partiellement, du moins sur le plan de la démographie comme elle le fait déjà au Ghana et en Afrique Orientale. Il reste que nous ne connaîtrons jamais les mouvements des prix sur les marchés du Soudan médiéval.

La situation est un peu moins désespérée pour Samori, en raison de sa proximité dans le temps et de données provenant des régions voisines, alors déjà soumises au régime colonial. Nous les avons utilisées dans la mesure du possible mais les résultats, on le verra, demeurent bien maigres. Nous avons enfin essayé, non sans imprudence d'évaluer la population de l'Empire, pour la confronter avec les effectifs de l'Armée, et mesurer l'impact de la guerre sur la vie des hommes.

Notre dessein est donc bien délimité. Nous avons, voulu décrire le mouvement dirigé par Samori, et l'Empire qui en est issu, avec la plus grande précision possible. Nous avons en outre tenté de l'expliquer. Nos interprétations peuvent être contestées mais nous croyons que les faits eux-mêmes ne sont pas discutables et que d'autres chercheurs pourront les utiliser, même s'il y voient autre chose que nous.

Nous n'avons jamais que le héros de cette histoire a incarné pour beaucoup d'Africains, à l'heure de la décolonisation, un passé qu'ils voulaient glorieux, pour y puiser le courage de construire une société nouvelle. Malgré la sympathie que nous leur portons, nous nous sommes bien gardé du vertige de finalité qui menace l'historien quand il cède au légitime besoin de s'engager. N'ayant pas à nourrir des mythes, nous pensons que la réalité objective que nous décrivons avec ses lumières et ses ombres, sera utile à tous. Nous montrons des hommes qui ont lutté avec plus ou moins de bonheur, mais avec obstination, pour garder le contrôle de leur destin. Ils n'y sont pas parvenus mais chacun peut y trouver l'image de ses problèmes.

Il faudrait une place considérable pour énumérer tous ceux qui m'ont aidé, à des titres divers, pendant des années de recherches sporadiques. On trouvera à la fin de ce livre une liste assez complète de mes informateurs africains, dont quelques-uns ont été de vrais collaborateurs. Il faudrait y joindre les auxiliaires, interprètes ou chauffeurs, qui m'ont accompagné, jour après jour, sous la pluie ou dans la poussière, le long des pistes souvent défoncées, en savane ou en forêt. Ils ont presque toujours compris ce que signifiait la recherche du passé de leur pays et ils m'ont souvent assisté avec une véritable passion.

Ce livre n'aurait cependant pas été écrit, du moins avec cette ampleur, sans l'aide que m'ont apportée les responsables des divers centres d'archives où j'ai travaillé, et à qui j'ai souvent causé bien des ennuis. Je tiens donc à remercier ici C. Laroche et M. A. Menier qui m'ont ouvert la section OutreMer des Archives Nationales; Kenneth Timings du Public Record Office à Londres; Jacques Charpy et J. F. Maurel qui m'ont reçu successivement à Dakar; S. Exc. Amadou Hampaté Ba, toujours accueillant aux chercheurs qui se présentent à Bamako; D. D'Almeida qui a mis un ordre nécessaire dans les Archives Nationales de la Guinée à Conakry; les responsables de Fourah-Bay College à Freetown; enfin J.-M. Akita, qui dirigeait, lors de ma visite, les National Archives of Ghana à Accra. Christofer Fyfe de l'Université d'Edimburgh et John Hargreaves de celle d'Aberdeen m'ont été particulièrement utiles pour les relations de Samori avec la Sierra Leone; Jack Goody et D. H Jones m'ont donné des précisions sur ses relations avec les Gondja (Ghana).

Les contacts entre Samori et les Guro ont été éclairés par des renseignements d'A. Deluz. Son action en Haute-Volta a été étudiée en liaison avec le R. P. Hebert de la mission de Tousiana et J. Paley-Parenko qui était alors commandant de cercle de Banfora. R. Colin m'a fourni des éléments sur le pays de Sikasso.

Je tiens à remercier J. Kanya-Forstner qui a bien voulu me communiquer, avant parution, sa thèse sur l'impérialisme militaire français en Afrique Occidentale. Bien que ce livre fût déjà rédigé, il m'a permis d'éviter un certain nombre d'interprétations erronées et j'adhère sans réserves à son explication originale des événements.

J'oublie assurément beaucoup de monde, ce qui est inévitable à l'issue d'une aussi longue enquête Tous ceux qui m'ont reçu et introduit auprès des meilleurs informateurs dans des régions où ma visite était nécessairement hâtive, voudront bien me le pardonner.

Marly-le-Roi, Mai 1967.


Notes
1. Djibril Tamsir Niane a fait tout récemment un effort honorable dans ce sens (Recherches Africaines,1959 à 1961). L'auteur poursuivait cependant un autre dessein que nous car il a recherché dans la tradition contemporaine les éléments évoquant le Mali médiéval et il en est résulté une certaine confusion. G. Dieterlen a brillamment abordé les Malinkés, mais sous l'angle très particulier de sa recherche ethnographique, et en prolongement de ses travaux sur les Bambara et les Dogon. Bien que ce ne soit pas son souci, elle fournit quelques éléments utiles à l'historien (J.S.A.,1955 et 1959).
2. Un exposé sobre et précis de la question a été donné par Mauny et Vansina. The historian in Tropical Africa.(I.A.I., 1964, pp. 31-36).
3. Les publications de sources inédites sont restées extrêmement rares. Citons les lettres personnelles de Borgnis-Desbordes (B.C.A.O.F., 1910) et les souvenirs d'Arlabosse (R.H.C., 1932)
4. La traduction du R. P. Hebert n'est parue qu'en 1961 (B.I.F.A.N.).
5.Recherches Africaines (1963). Ces traditions paraissent de bonne source mais elles ont malheureusement été fondus dans un récit continu, sans référence aux informateurs.
6. On est surpris de voir l'Histoire militaire de l'A.O.F escamoter la colonne de Kong dans son chapitre sur Samori en renvoyant à un exposé sur la Côte d'Ivoire qui expédie tout en une page à peine (p. 605). Il est vrai qu'il s'agit d'une défaite française. Labouret a donné une bonne étude de cette affaire et brossé un tableau de Samori en 1895 dans sa biographie de Monteil (1937).
7. Sur la valeur des traditions malinké, on voudra bien se reporter à notre article : « Traditions orales et chronologie » C.E.A., 1962, no7). Cf. également Niane (op. cit.).
8. N. Levtzion. Conférence de chronologie africaine tenue à Moor Park College en juillet 1966.
9. Les lettres qu il n'acceptait pas étaient renvoyées à l'expéditeur.
10. Il n'est pas impossible que certaines d'entre elles soient retrouvées un jour. Archinard fit beaucoup de bruit autour d'une lettre de Samori saisie près de Nioro. L'inventaire des documents d'Amadu, pris à Bandyagara, n'est toujours pas dressé en détail. Enfin N. Levtzion a montré que bien des documents dorment encore dans des fonds privés au Ghana.
11. Certains paraissent un instant à la lumière, pour s'éclipser aussitôt. C'est ainsi qu'un cabinet a vendu fort cher, il y a peu d'années, un lot de lettres de Delafosse, riches en renseignements sur la frontière du Baulé en 1895-1896 et sur la mission Braulot. Un grand homme d'affaires les a acquises pour en faire cadeau au fils du Gouverneur, important homme politique ivoirien. Tous deux moururent avant que ce projet ait une suite et la succession déclare ignorer ce que les lettres sont devenues. Il aurait été désirable de les publier.
12. Bien entendu, la totalité du matériel ne paraîtra pas dans ces pages. De même que l'on publie des chartes ou rôles médiévaux, nous pensons qu'il conviendrait de diffuser toutes les traditions orales disponibles sous une forme intégrale et aussi peu élaborée que possible. Le C.N.R.S. parait s'engager sur cette voie. C.F. Traditions historiques des villages du Yatenga.par Michel Izard (Recherches Voltaïques).
13. Introduction de Vansina et Mauny pour « The Historian in Tropical Africa » Vansina : « L'utilisation des données ethnographiques en tant que sources de l'histoire . (Conférence de Dar-es-Salam, 1955). La thèse du même auteur De la Tradition Orale (1961) est désormais un classique.



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